Un avis:
Quelle huile choisir ?
La vidange est élémentaire pour la bonne santé du moteur, mais quelle qualité de lubrifiant choisir ? Nous allons analyser quelques fausses idées assez répandues pour comprendre les paramètres déterminants les multigrades, semi-synthèses et synthèses. Ainsi vous pourrez choisir en fonction de votre type de moteur et de votre façon de piloter avec les inscriptions du bidon enfin révélatrices.
L'artifice des multigrades
Il n'existe aucun subterfuge, les chimistes n'ont pas crée l'huile multigrade surdouée par rapport à la monograde.
Une huile multigrade, dite aussi "toutes saisons", n'a aucun pouvoir magique lui permettant de changer de viscosité et d'être plus épaisse à chaud qu'à froid, ou lui donnant un grade en hiver et un autre en été.
Les chiffres des normes SAE désignent par exemple une 15W 40.
Le premier nombre 15 suivi de W (de winter, hiver en anglais) indique la viscosité à froid, mesurée entre 0° C et -30° C.
Le deuxième, 40, indique la viscosité à chaud, mesure effectuée à 100° C.
Le premier ne se compare pas au deuxième puisqu'ils ne sont pas étalonnés selon le même processus.
L'artifice du marketing fut d'utiliser une échelle d'indices inférieurs pour le premier nombre par rapport au second.
Une 5W50 fige moins par temps froid (lorsqu'on doit démarrer le moteur) et est plus visqueuse à chaud qu'une 15W40. Mettre sur le même tableau ces deux indices, c'est comme ci on comparait pour un vêtement la température maxi à laquelle il se lave avec la température extérieure pour laquelle il est étudié.
Synthèse ou semi-synthétique ?
Les huiles minérales sont fabriquées en distillant du pétrole brut.
Les huiles de synthèse sont conçues en cassant les molécules de base et en les reconstruisant (poly-alfa-oléines, esters, polyglycols, silicones). La fabrication est complexe donc coûteuse, mais le résultat est très performant.
Passons brièvement en revue les qualités des huiles. Elles ont des capacités anti-usure, résistance au cisaillement et à l'écrasement, anti-corrosion, anti-acides, anti-boues (contre les dépôts, en particulier au fond des carters), anti-émulsion (contre la "mayonnaise") et détergentes pour nettoyer le moteur.
Les huiles minérales sont dopées avec toutes sortes d'additifs de synthèse qui agissent chacun dans leur domaine. Ils en existent pour maintenir l'onctuosité à chaud et retarder le givrage à froid. Les minérales approchent ainsi les performances de la synthèse mais vieillissent moins bien. La présence de ces additifs de synthèse permet de les baptiser semi-synthétiques, "Synthésis", technosynthèses ou autres, mais cela dénote essentiellement une démarche de positionnement commercial. A noter que les huiles spécifiées motos revendiquent un additif spécial tenant compte que l'huile moteur sert aussi à l'embrayage (en bain d'huile) et à la boîte de vitesses.
Les pseudo-défauts de la synthèse
L'huile de synthèse est souvent critiquée parce qu'elle serait trop fluide, ce qui ferait que le moteur en consommerait plus, ou qu'un moteur froid subirait plus de dégâts au démarrage parce que cette huile redescend trop facilement au fond du carter moteur arrêté. Or, une huile de synthèse ou à base minérale répond aux mêmes critères de viscosité expliqués au paragraphe 1. Une 15W50 est une 15W50. Mais la dénomination multigrade donnant toujours des difficultés de compréhension, le premier petit nombre d'une synthèse (exemple 5W50) laisse penser qu'elle est top fluide à froid. Or c'est l'onctuosité (et non la fluidité) qui caractérise le pouvoir d'adhérence d'une huile à rester "accrochée" à une surface métallique, capacité importante pour la mise en route après un arrêt prolongé du moteur. Par nature, les synthèses sont plus onctueuses que les minérales ! Le seul inconvénient de faire passer un moteur de la minérale à la synthèse est de sentir patiner un embrayage plus tout neuf sous la poussée d'un moteur coupleux. C'est à cause des qualités antifriction supérieures de la synthèse. Quant à la boîte de vitesses, la synthèse offre naturellement une excellente résistance à l'écrasement et au cisaillement.
Décryptez les normes des bidons
Les normes sont faites pour mesurer les qualités des huiles. Des moteurs tournants en laboratoire permettent d'effectuer des mesures précises pour dterminer la résistance de l'huile.
L'API (American Petroleum Institute) indique deux lettres SA, SB, SD, SC et plus actuel SE, SF, SG, SH, SJ. Plus on progresse dans l'alphabet, plus les tests sont sévères. Ces deux lettres peuvent être suivies d'autres : CD, CE, CF, qui concernent les moteurs diesel.
Les Européens ont la norme CCMC (comité des constructeurs du marché commun). L'échelle va de G1 à G5 en ordre croissant de qualité. Le moteur qui sert aux tests G4 est un Peugeot à arbre à cames en tête, plus proche des motos. La norme G5 indique une économie de carburant grâce à l'huile par rapport à la G4.
Plus récemment est apparue la norme ACEA (association de constructeurs européens d'automobiles), avec la lettre A (moteur essence) et B (diesel) suivi du chiffre 2 ou 3 et l'année. Par exemple la A 3-98 est plus sévère que la CCMC G5. Le reste des inscriptions sur le bidon n'est qu'argumentation commerciale. Les bidons ne peuvent désormais plus rien vous cacher.
Des huiles qui "lessivent" trop ?
Toutes les huiles moteurs sont détergentes depuis des décennies. Elles nettoient le moteur tout en le lubrifiant, c'est une nécessité. Elles dissolvent et intègrent les dépôts semi-solides ou solides issus de la combustion et de l'usure interne du moteur, ceci afin d'éviter l'obturation des conduits de graissage, ainsi que l'encrassement des pistons.
Si vous avez peur que l'huile détergente casse un très vieux moteur resté très longtemps immobilisé, vous pouvez chercher une huile spécifiée non détergente pour véhicule de collection. A notre connaissance, il n'existe que la Silkolene Donington à 6,5 euros le litre. Avec une huile actuelle dans un très vieux moteur resté très longtemps immobilisé, par sécurité il suffit de vidanger très rapidement l'huile neuve saturée d'impuretés
décollées par son action, par exemple au bout de 300 km.
Adaptez votre choix
Les conditions d'utilisation étant plus dures avec les moteurs de moto, repérez les huiles de haute qualité avec les grades SAE et les normes API, CCMC, ACEA. Vous remarquerez que certains bidons n'indiquent pas de norme, on ne peut que supposer qu'ils ne les ont pas subies.
Les synthèses sont plus onéreuses, mais sont une assurance pour la santé de la mécanique. Sa résistance naturelle au vieillissement permet de vidanger tous les 12 000 km, même si le constructeur conseille de vidanger tous les 6 000 km en conduite sportive ou uniquement urbaine, au lieu de 12 000.
Choisissez en fonction de l'architecture de votre moteur et de votre façon de le solliciter (cool ou sport). Un gros piston demande de l'huile plus résistante qu'un petit. Ce ne sont pas les tours/minutes qui comptent. Une course importante implique une grande vitesse de déplacement du piston, réclamant une huile très résistante.
Un refroidissement par air chauffe et dilate plus le moteur qu'un refroidissement liquide. D'origine le jeu piston/cylindre est d'ailleurs plus important. Le refroidissement liquide contrôle la température du moteur donc celle de l'huile. Avec le refroidissement par air, le moteur peut monter beaucoup plus haut en température, de l'huile pas assez résistante perd ses capacités, se met à brûler et il en consomme.
A ne pas faire
Ignorer que toutes les huiles moteurs modernes sont miscibles entre elles. Vous pouvez sans problème changer de marque et de viscosité si votre moteur manque d'huile.
Réflexions sur les idées reçues :
Trop fluides ? Pas assez visqueuses ? Moins efficaces pour embrayage et boîte de vitesses ? FAUX : les huiles de synthèse sont au top.
Une huile noircie ne signifie pas qu'elle est fatiguée et à remplacer. Une neuve peut l'être après quelques centaines de km car elle nettoie le moteur.Si vous craignez qu'une huile moderne "lessive" le moteur de votre moto de collection de plus de cinquante ans, utilisez la Silkolene Donington, une des très rares huiles actuelles non détergente.
Sachez qu'un 600 cm3 quatre cylindres à refroidissement liquide (A) à 10 000 tr/min sollicite moins durement son huile qu'un 650 monocylindre refroidi par air (B) à 6 500 tr/min.
Mon expérience :
Avec mon VW Transporter fonctionnant à l'huile de synthèse, je me suis retrouvé lancé sur l'autoroute quand le moteur a manqué totalement d'huile, témoin de pression allumé au tableau de bord. Un petit trou dans un piston avait refoulé 3 l d'huile dans la boîte à air en moins de 100 km. Désamorçage de la pompe à huile, je me suis dit qu'au moins une bielle avait coulé. Le moteur claquait comme un fou. J'ai remis de l'huile et suis rentré à la maison. Lorsque j'ai démonté le moteur j'ai découvert avec étonnement que ni le vilebrequin ni les coussinets de bielle n'avaient souffert. Juste quelques vagues marques sur les coussinets correspondants au piston troué. Le jeu bielle/vilebrequin était indécelable à la main. Autrement dit, malgré l'absence de pression d'huile, le film d'huile de synthèse ne s'est pas rompu sous la pression des bielles (plusieurs tonnes, faut-il le rappeler ?). Le bruit infernal venait du piston qui avait déposé le bilan.
Au début de mon Transporter, je roulais à la base minérale. Quand je suis passé à la synthèse, il a consommé moitié moins d'huile.
Lorsque je suis passé de la minérale semi-synthétique à la synthèse sur ma GSX 1100 R, l'embrayage s'est mis à patiner sur le couple. Pareil pour ma VFR : qualités antifriction supérieures de la synthèse.
Lorsque nous avons fait analyser l'huile de la CB 500 de Moto Revue au démontage des 100 000 km, sans le dire à Honda ; le laboratoire nous a demandé un échantillon de l'huile Honda neuve (c'est en fait de la Elf
spéciale Honda, une base minérale dopée aux additifs) pour pouvoir nous donner la réponse. En fait ils avaient trouvé beaucoup de bisulfure de molybdène dans l'huile de la CB, ce qui peut venir d'une usure anormale (le MSO2 rentre dans la composition de certains alliages de coussinets et autres paliers). Résultat : le moteur est tout bon car le MSO2 est d'origine dans l'huile. Quand nous avons démonté le moteur à 100 000 km, certains disques garnis d'embrayage étaient plus épais de 0,01 ou 0,02 mm qu'à 50 000 km. Le mécano Honda n'y croyait pas et a recommencé sa mesure 3 fois de suite au palmer. La matière des disques s'était appropriée le bisulfure de l'huile. Au fait, le MSO2 a des molécules plates, d'où son rôle de lubrifiant " sec " et " naturel ".
Conclusion : une base minérale dopée aux additifs de synthèse peut être aussi efficace qu'une synthèse pour préserver un moteur. Avantage de la synthèse : elle dure plus longtemps et résiste mieux dans les conditions extrêmes.